L’Effraie du félin

Le parc de cette riche demeure déclinait vers la vallée en offrant une vue de l’estuaire de la rivière devant la silhouette des remparts de la cité malouine. Y régnait une chouette dont les hululements invitaient les visiteurs à scruter fréquemment la cime des pins.

Le rapace, qui surveillait son territoire nuit et jour en se montrant particulièrement pointilleux quand il maternait, attaquait régulièrement le chat du châtelain pour le dissuader d’approcher de trop près sa nichée. Le matou fut même une fois agrippé sur plusieurs mètres dans les serres de l’oiseau. Ce fut là son baptême de l’air, que jamais il n’oubliera.

Ainsi, la chouette fut-elle surnommée L’Effraie du félin.

Une nuit d’hiver, des vents tournoyants mirent en miette les plus vieux arbres de la région, s’enroulant dans leur ramure et déchiquetant leurs troncs comme on torche son linge trempé.

Caché dans l’alcôve de l’entrée de la cave à charbon, le chat vit la chouette se faire emporter par la tornade, entraîner en contrebas sans pouvoir opposer la moindre résistance aux vents furieux. Ses plumes s’enfoncèrent dans les tourbillons des eaux bouillonnantes de la Rance.

Son corps disparut à jamais, ses cris devinrent silence.

Toutefois, les anciens disent que son âme trouva refuge dans les brise-lames de Saint-Malo.

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Extrait de Brise-lâmes, un recueil de photo / haïkus et contes marins

couverture de brise-lâmes : recueil de contes, photo et poésie de marin wibaux